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Lyon, ville sacrée

  • GLTI
  • 7 déc. 2022
  • 24 min de lecture

MORCEAU D’ARCHITECTURE de la RL NETJER

MORCEAU D’ARCHITECTURE de la RL NETJER

Lyon,ville sacrée

Lyon, ce sont d’abordpour moi des odeurs, des couleurs qui se fondent en une masse bigarrée desouvenirs, ce sont les escaliers de la maison familiale que je débaroulaisétant gone, attiré par les effluves de bugnes tièdes que ma grand-mère avaitconfectionnées.

Lyon, ce sont sesruelles et traboules des vieux quartiers que j’arpentais sans but ; ce sont lessombres souterrains de la Croix-Rousse que j’explorais avec quelques potes, aumépris du danger et des interdits, en quête de mystères et de frissons.

Lyon, ce sont lesrayons du soleil levant aspergeant de teintes ocres et saumons les façades «àl’italienne» des maisons au bord de la Saône ; ou encore les dernières lueursde l’aube sur la ville, que j’observais dans la quiétude du soir naissant,assis sur les gradins du théâtre antique.

Aufil des années, le charme ne s’est jamais rompu, car Lyon garde ses secretstout en distillant son histoire bimillénaire dans chaque pierre, gargouille etquartier, à l’attention de ceux dont les yeux voient, dont les oreilles entendentet dont l’âme cherche à comprendre.

Monparcours initiatique m’a sensibilisé un peu plus encore aux symboles et à lamagie de cette cité, à cette vieille dame mi-fée, mi-sorcière qui m’avait déjàenvoûté et volé mon cœur depuis mon plus jeune âge.

L’ancienneLugdunum est sacrée depuis ses origines, par sa situation géographique et parles légendes et rites qui ont contribué à sa fondation mythique, à l’image deTroie ou de Rome.

Maisce n’est pas tout.

Àl’instar des murs d’une demeure qui se chargent au contact de ceux qui y ontvécu, accumulant au cours des siècles toutes les « énergies émotionnelles » deces habitants, Lyon a été durablement imprégnée des figures charismatiques quiy ont séjourné, des courants mystiques, ésotériques, spirituels et occultesqu’elle a abrité.

Lyonest née sur une colline, qui accueillit sous la domination romaine le vieuxforum (Forum Vetus), à l’origine de son nom actuel de Fourvière. Située sur leterritoire des Ségusiaves, peuple gaulois de la région du Forez, la colline,avait certainement toutes les caractéristiques que les Celtes attribuaient auxtertres et collines : un lieu sacré, passage vers le Sidh, l’Autre-Monde.

Baignéepar la lumière solaire et s’ouvrant sur les ténèbres du monde d’en-bas, cette dualitése retrouve dans le nom de la colonie romaine, fondée en 43 avant notre ère :Lugdunum.

Si« Dunum » signifie « colline », lepréfixe « Lug » a fait coulerbeaucoup d’encre quant à son étymologie. Il faut tordre le cou ici à unecroyance encore bien ancrée selon laquelle celui-ci serait une référence audieu Lug. Car de culte à ce dieu majeur de la mythologie celtique, nulle tracene fut retrouvée en Gaule.

C’estdans la légende de la fondation de Lugdunum, rapportée par le Pseudo-Plutarqueque l’on peut trouver des éléments de réponse.

Dans«De fluviis», le Pseudo-Plutarque contel’histoire de deux personnages, le druide Momoros et son frère, le roiAtepomaros (en gaulois « le très grand cavalier »).

« Momoros et Atepomaros, ayant étéchassés du trône par Sesroneos, vinrent, d’après l’ordre d’un oracle, sur cettecolline pour y bâtir une ville. On creusait des fossés pour les fondements,quand tout à coup des corbeaux, se montrant et volant çà et là, couvrirent lesarbres d’alentour. Momoros, qui était habile dans la science des augures,appela la ville Lugdunum. car dans leur langue un corbeau se nomme lugos, et unlieu élevé dunu, ainsi que nous l’apprend Clitophon au livre 13e desFondations. »

Lugdunumest donc la « colline aux corbeaux ». Le corbeau était un animalsacré chez les Celtes, d’une nature plutôt chthonienne, car il accompagnait lesoleil aux enfers pendant sa course nocturne. Cet oiseau noir, lunaire, étaitmis en opposition avec le cygne blanc, symbole solaire de pureté.

Or,Momoros, le nom du druide fondateur signifie « le cygne ». Un  cygne établissant une ville selon la volontédivine sur la colline aux corbeaux : il n’y a pas de symbole plus évident de ladualité de Lugdunum, comme le sont le pavé maçonnique ou le gonfanon baussant,l’étendard des Templiers ; comme un écho du principe de polarité d’HermèsTrismégiste :

« Tout est double, tout chosepossède des pôles ; tout a deux extrêmes. »

Cetteunion sacrée des contraires, du Soleil et de la Lune, transparaît aussi dansl’emplacement de la ville, au cœur du Y, formé de la confluence du Rhône et dela Saône. Le Y, symbole de la féminité, de la fécondité s’oppose au symbolemasculin de la colline.

Ladualité fait partie intégrante de tout symbole. C’est la jonction de l’axevertical avec l’axe horizontal, réalisée sur le terrain par le tracé du decumanus et du cardo,ce rite sacré qu’accomplit le général Munatius Plancus en octobre de l’An 43avant notre ère, lorsqu’il établit la colonie romaine de Lugdunum. Unenaissance placée sous le signe de la Balance, précise Jean-Jacques Gabut,auteur de «Lyon magique et sacré», symbole par excellence de l’équilibre, placéentre le signe ténébreux du Scorpion et celui lumineux de la Vierge.

Cybèleet Mithra

Lescultes principaux pratiqués à Lugdunum durant ses deux premiers sièclesd’existence n’échappent pas à ce principe de polarité. Deux cultes à mystères,importés d’Orient, se sont développés ensemble à tel point que les temples del’un avoisinaient les temples de l’autre. Il s’agit des cultes de Cybèle et deMithra.

Cybèleest une déesse phrygienne, dont le nom signifie « la gardienne des savoirs » etétait une des divinités les plus importantes du Proche-Orient.

Elleportait le titre de «Magna Mater», déesse-mèrecomme Isis, Déméter ou Astarté. Son temple originel à Pessinonte (sur le territoire de l’actuelleTurquie) abritait un bétyle, une pierre sacréetombée du ciel de couleur noire, dont le nom, Kubélè,est à l’origine du patronyme de la déesse et n’est pas sans rappeler la Kaabade la Mecque.

Cybèleétait vénérée sur la colline de Fourvière, autrefois dédiée à la déessegauloise Rosmerta «La Grande Dispensatrice», avant d’être substituée bien plustard par la Vierge Marie.

Leculte de Mithra, quant à lui, implanté depuis près de deux siècles avant lanaissance de Lugdunum était réservé aux seuls-initiés et sa proximité avec lechristianisme lui valut d’être combattu puis supplanté définitivement parcelui-ci au IVe siècle.

Etpour cause, vu le nombre de similitudes entre Jésus et Mithra : Naissance entant qu’homme dans une grotte, sans géniteur, célébrée le 25 décembre ;attribution de titres tels que « Sauveur » ou « Bon Berger » ; thaumaturge,résurrection d’entre les morts célébrée annuellement, etc. Retenonsque les cultes orientaux de Cybèle et de Mithra marquèrent de leur sceau laville de Lyon et portaient en eux une tradition initiatique très ancienne quicôtoya pacifiquement le paléo-christianisme pendant plusieurs siècles, jusqu’àdistiller en lui l’héritage de son savoir.

Pothin(85-177) et les montanistes

Endehors du fait que Lugdunum fut le lieu de naissance et de décès d’un certainpréfet de Judée, Poncius Pilatus (Ponce Pilate), et le lieu de résidence dedeux fils d’Hérode 1er le Grand, roi de Judée, la filiation du christianismelyonnais a d’autres bien surprenantes particularités. Il y a à Lugdunum un lienjohannique évident par le biais de son premier évêque, Pothin. L’étymologiegrecque de son patronyme et de celui de plusieurs autres martyres chrétiensrévèlent leur origine orientale, probablement d’Asie Mineure. Pothin fut eneffet envoyé en Gaule par Polycarpe de Smyrne, disciple direct de l’apôtreJean.

Iln’est pas improbable que Pothin fût un adepte du montanisme, courant gnostiquechrétien qui fut déclaré hérétique l’année même où Pothin fut persécuté etexécuté avec une quarantaine d’autres dans l’amphithéâtre lyonnais des TroisGaules, en 177, sous le règne de Marc-Aurèle.

Faittroublant : Montanus de Phrygie, fondateur du mouvement chrétien montanisteétait un ancien prêtre de Cybèle. Il ne reconnaissait que le corpus johanniqueet rejetait le système hiérarchique du clergé. On le disait doué de glossolalieet médium, ses phases de transes extatiques le mettant en contact avec leParaclet, l’Esprit Saint. Il appelait à un grand rigorisme, une ascèse physiqueet morale, professant l’importance de l’illumination par le Paraclet,elle-seule pouvant permettre d’accéder aux enseignements que le Christ n’avaitpu transmettre de son vivant.

Parmises partisans, citons Irénée de Lyon qui fut le successeur de Pothin.

SelonJacques Lasfargues, directeur du pôle archéologique du Rhône, il est probableque le prosélytisme provocateur des montanistes et leur recherche du martyreait conduit à leur persécution. Sanglant épisode qui sera «retenu commel’événement fondateur du christianisme de la Gaule romaine. »

PierreValdo (1140-1206) et les Pauvres de Lyon

Unmillénaire plus tard, Lyon sera à nouveau le creuset d’une autre doctrinechrétienne, contemporaine du catharisme avec Vaudès, dit Pierre Valdo ouValdès.

Valdès,né en 1140, était un riche marchand drapier de la Presqu’île, dans l’actuellerue de la Poulaillerie, qui devint un ardent prédicateur du Christ.  À l’âge de 30 ans, il finance une despremières traductions des évangiles en franco-provençal et fait don de toute safortune, cédant un quart à sa femme, un quart à ses deux filles, un quart pourceux qu’il pensait avoir lésé et le quart restant pour les pauvres. Il prend laroute, vivant de l’aumône et de la mendicité aux portes des églises.

Ilprône la pauvreté en bien et en esprit, la charité active, les SaintesÉcritures comme seule règle de la foi, et un sacerdoce universel, c’est à direl’égalité des croyants baptisés pour prêcher et donner les sacrements. Ilremettait donc en cause l’utilité des prêtres et de la messe, rejetait le cultedes saints et les sacrements, ne conservant que le baptême et la communion, etfustigeait l’Église pour sa richesse.

Denombreux disciples le suivent, prenant le nom de « Pauvres de Lyon ».Ces vaudois, comme on les appelle encore, ont la réputation de pouvoir entreren contact avec l’Esprit Saint et de soigner par imposition des mains.

Valdèset ses disciples sont rapidement condamnés par l’archevêque de Lyon et chassésde la ville. On les déclare coupables d’hérésie, puis de sorcellerie. Ceuxqu’on surnomme les « ensabotés » parce que battant le pavé en sabots sontrenommés par leurs détracteurs les « ensabbatés », c’est à dire des suppôts duDiable pratiquant le sabbat.

LesPauvres de Lyon sont pourchassés, persécutés et Valdès excommunié en 1182. Sadoctrine sera condamnée par l’Église neuf ans après sa mort, en 1215.

Valdès n’était certes pasun initié, écrit Jean-Jacques Gabut. Toute sa vieil resta un marchand fort éloigné des préoccupations des hermétistes et desalchimistes du Moyen-Âge. […]Sa vie fut celle d’un prêcheur, d’un hommed’action animé seulement par une soif de justice et une volonté d’amour. Maisrien que pour cela, l’homme a droit à notre estime et notre respect. Les vertusqu’il prêchait sont celles des mystiques de tous les temps : la foi,l’humilité, la charité. »

Lyonla sacrée est une ville d’ombres et de lumière ; elle agit comme un aimant,attirant les illuminés de toute espèce, au sens noble comme au sens péjoratif.Elle est un athanor, ce creuset alchimique où s’effectuent toutes les phases duGrand Œuvre alchimique, sublimant les énergies spirituelles tout en calcinantles éléments les plus vils.

AvecValdès, Lyon est précurseur du protestantisme, l’une des toutes premièresvilles d’Europe à appeler à un retour à la pureté originelle du christianismeprimitif, bien éloigné de la religion de l’Église de Rome toute puissante.

L’investiturede Clément V (1305)

Unsiècle après la mort de Valdès, un nouvel avertissement à l’Église est lancésous la forme d’un épisode anecdotique mais lourd de sens.

Noussommes alors en 1305. Le Roi Philippe le Bel, qui avait décidé de mettre fin àl’Ordre du Temple fait pression sur les cardinaux pour qu’ils choisissent unpape qui lui serait soumis.

Bertrandde Got, futur Clément V, est élu par le Conclave, et le roi de France imposeLyon plutôt que Rome pour le couronnement du nouveau pape.

Ennovembre 1305, Clément V est couronné en grande pompe dans l’ancienne égliseSaint-Just, rue des macchabées. Sous un froid glacial, un cortège conduit lepape, accompagné de Philippe le Bel vers le sommet de la colline de Fourvière.Lorsque la procession atteint la montée du Gourguillon, un mur de pierres’effondre, tuant un grand nombre de personnes dont un des frères de Clément V.Le pape est jeté à bas de son cheval et s’en tire sans trop de mal si ce n’estavec la perte du plus beau joyau de sa tiare, d’une valeur inestimable, et certainementune immense peur après cet incident de sinistre augure.

Lorsqu’ils’éteindra un mois après la malédiction proférée par Jacques de Molay, commepour faire écho au bûcher auquel il condamna le dernier Grand Maître desTempliers, un cierge renversé mit le feu au catafalque sur lequel reposait lepontife défunt, carbonisant partiellement sa dépouille.

FrançoisRabelais (1483-1553)

Àla Renaissance, Lyon devient une des plus grandes cités commerciales d’Europe,essentiellement par ses activités bancaires et l’industrie de la soie. Lacapitale des Gaules est aussi à cette époque la capitale de l’imprimerie, avec  de nombreux artisans imprimeurs-éditeurs(Barthélémy Buyer, Étienne Dolet, Sébastien Gryphe, Macé Bonhomme) et desfoires biannuelles, instaurées par Charles VII en 1420 et qui permettaient unediffusion massive et immédiate des ouvrages imprimés.

C’estdonc tout naturellement que Michel de Nostre Dame, dit Nostradamus faitimprimer en 1555 ses fameuses Prophéties à Lyon, où il réside le plus souventaprès Salon de Provence (rue juiverie)

Demême, François Rabelais, nommé médecin à l’Hôtel-Dieu en 1532, s’installe à « Myrelinguela Brumeuse » (nom qu’il donne à Lyon), où il y écrira et y fera publierla majorité de ses œuvres.

Rabelaisa des contacts avec la société secrète florentine d’inspiration templière, lesFidèles d’Amour, à laquelle appartint Dante et certains pensent qu’il auraitété proche des maçons opératifs, notamment au contact de Philibert Delorme,ésotériste et « Maître général des Maçonneries du Royaume. »

AuMoyen-Âge comme à la Renaissance, la plupart des corps de métiers étaientregroupés en corporations, véritables loges opératives.

L’imprimerien’échappe pas à cette règle et les maîtres de la corporation du livre sontregroupés à Lyon, rue Mercière, au sein de l’AGLA (acronyme hébreu pour AthahGabor Leolam Adonaï soit « Grand est le Seigneur dans l’éternité »)

« L’Agla, expliqueRobert Ambelain, fut une société ésotérique, groupant, àl’époque de la Renaissance, les apprentis, compagnons et maîtres desCorporations du Livre : libraires, graveurs, imprimeurs, papetiers et relieurs,ainsi que les cartiers, qui fabriquèrent les premières cartes à jouer et lespremiers tarots. »

D’inspirationcabaliste, l’Agla initiera Rabelais à ses secrets, et toutes les référencesésotériques dont il a truffé son œuvre en sont des preuves manifestes.

Citonspour exemple qu’il connaissait bien la lettre G, chers aux francs-maçons et auxalchimistes et si abondamment utilisé dans les patronymes de ses personnages :Pantagruel, Gargantua, Gargamelle, GrandGousier, etc.

HenriCorneille Agrippa de Nettesheim, dit Cornelius Agrippa (1486-1535)

CorneliusAgrippa est un autre membre prestigieux de l’Agla. Comme Rabelais, il occupe unposte de médecin à Lyon où il s’installe en 1524 et où il rédige l’un deses plus prestigieux ouvrages : De philosophia occulta.

Véritablegénie de la renaissance, pourtant moins connu que Léonard de Vinci ou Pic de laMirandole, ce grand voyageur maîtrise huit langues, est docteur es-lettres etdocteur en médecine et possède des connaissances immenses dans des disciplinesaussi diverses que le droit, la théologie, l’hermétisme, la kabbale chrétienne,la magie, l’alchimie, l’astrologie ou encore la pédagogie, la cryptographie oules sciences de la guerre et des explosifs.

CorneliusAgrippa ne doit bien souvent son salut que par la protection des rois car sesprises de position courageuses contre l’Église et l’Inquisition, ses écritsjugés subversifs et l’introduction de l’enseignement de la Kabbale àl’université le rendent coupable d’hérésie.

Jevoudrais achever de brosser le portrait de Cornelius Agrippa avec quelquescitations d’un de ses ouvrages qui montre à quel point ses vues novatricesétaient en avance sur son temps. Ce livre, rédigé en 1509 et publié 20 ans plustard, traite de «la noblesse et l’excellence du sexe féminin, de sa prééminencesur l’autre sexe».

Àl’heure où l’intégrisme islamiste est de plus en plus présent par le monde,asservissant la femme jusque dans nos sociétés laïques occidentales, ce traitéreste toujours d’actualité un demi-millénaire plus tard.

« Nous voyons encore que les femmesne sont pas moindres que les hommes, par l’excellence de leur esprit, la forcede leur corps et la dignité de leur nature.

[…] Mais la tyrannie et l’ambition des hommes ayant pris ledessus, contre l’ordre du créateur et l’institution de la nature, la liberté,qui avait d’abord été accordée aux femmes, leur est ôtée aujourd’hui, medirez-vous, par les lois ; l’usage universel de tous les peuples y est opposé,et la manière dont on élève les femmes les en éloignent.

[…] Ce ne sont pointles lois de la nature, ni du créateur, ni encore moins la raison qui les yobligent ; mais une malheureuse coutume, une fatale éducation, leur sortmalheureux et un hasard injuste qui les y engagent. »

Pendant le XVIesiècle, le Royaume de France entre onze fois en conflit avec celui d’Italiepour la revendication du royaume de Naples puis du duché de Milan. Durant ces «Guerres d’Italie », les souverains de France font de Lyon leur secondecapitale, la base arrière et le quartier-général des troupes royales du fait desa proximité géographique avec les états belligérants. L’installation de lacour de France à Lyon attire les banquiers florentins (Médicis, Gadagne), lescommerçants vénitiens et génois, les savants (Giordano Bruno), les artistes(Corneille de Lyon), les poètes (Maurice Scève, Louise Labbé). Tout celacontribue au rayonnement culturel et économique de Lyon, véritable «centrehumaniste européen» , à tel point que François 1er envisage un temps de fairede l’ancienne capitale des Gaules (jusqu’en 297 de notre ère), la capitale duRoyaume de France.

Sous son règne, en1535, est fondée à Lyon la « Fraternité de libres maçons ».

Ancêtre des logesmaçonniques, il s’agit d’une corporation d’ouvriers-constructeurs qui veillentà la transmission des secrets et des perfectionnements dans l’art de bâtir.Protégées par le Saint-Siège qui les a exempt d’impôts et de corvées, cesfraternités envoient dans toute l’Europe leurs ouvriers afin de participer à laconstruction des églises et  monastères.

Hélas, ce XVIe siècles’achève à Lyon dans la souffrance et la désolation. Les inondations, lesépisodes de famine et surtout les guerres de religion font fuir lesmarchands-banquiers italiens de la capitale rhodanienne, sapent l’économielocale et mettent à mal les industries du livre et de la soie. En cette fin deRenaissance, Lyon est tour à tour aux mains des protestants, après le sacsanglant du Baron des Adrets, puis  lefief de la Sainte-Ligue, bras armé de l’Église catholique contre leprotestantisme. Le jour funeste de la Saint-Barthélemy est suivi des Vêpreslyonnaises, massacres tout aussi sanglants. La violence répond à la violence etLyon, qui avait abrité tant de confessions différentes dans la paix et latolérance, devient le champ de bataille où s’entredéchirent les opposants etles partisans de la Réforme.

L’Âge d’or de la villes’éteint en même temps que la Renaissance. Lyon devient une cité de second planet traverse les deux siècles de l’Absolutisme sans éclat, ni prestige,en-dehors du domaine de la soierie où elle atteindra l’excellence et unerenommée internationale.

Pendant deux centsans, Lyon est léthargique. Sa ferveur religieuse s’est assoupie, son lien avecles énergies spirituelles s’est amenuisé au point de n’être qu’un fil ténu queles Parques, les antiques divinités de la destinée humaine, semblent prêtes àcouper.  Mais les trois sœurs, comme lessoyeux lyonnais, maîtrisent la quenouille et le fuseau et décident parfois dereprendre le fil sur le métier pour en faire une belle étoffe.

À la fin du XVIIIesiècle, le temps est venu pour Lyon de s’éveiller, et de s’atteler plus quejamais au filage du cordon qui l’unit aux forces célestes. Un réveil douloureuxcar la Révolution est déjà en marche et l’opposition de Lyon à la Conventionest farouche. Le Siège de Lyon, en 1793, qui verra la victoire desRépublicains, fait des milliers de fusillés et de guillotinés. L’exode qui s’ensuit est massif, si bien que la population lyonnaise passera de 150 000habitants à 88 000 sept ans plus tard (1800).

Dans cette citémeurtrie par les luttes fratricides au nom de la religion ou de convictionspolitiques, les Francs-maçons vont incarner un nouvel élan spirituel. PourJean-Jacques Gabut, « face aux philosophes des Lumières, ils représentèrentsouvent la « philosophie de la Lumière », celle de la Vérité et du Dieuunique qu’ils invoquaient au sein de ce que l’on a appelé « l’écolemystique lyonnaise ».»

L’histoire de la Franc-maçonnerielyonnaise débute officiellement en 1753, avec l’allumage des feux de lapremière loge historiquement reconnu à Lyon, «La Parfaite Amitié», à laSaint-Jean d’été, rue Garibaldi. Son premier V∴M∴ futJean-Baptiste Willermoz.

Cependant, d’autressources attestent d’une origine maçonnique plus ancienne, près de neuf annéesplus tôt, confirmée par le fait que le fameux aventurier Giacomo Casanova estinitié en avril 1750 à Lyon. Avec Cagliostro, Casanova fera partie des nombreuxvisiteurs italiens qui sont reçus dans une loge de Lyon, la ville ayant, par sasituation géographique, des liens anciens avec les grandes famillesflorentines, lucquoises et vénitiennes.

En 1755, la R∴L∴ «La Sagesse» est fondée place Kleber, dans le quartier des Brotteaux,puis en 1758 «L’amitié» et «Saint-Jean de Jérusalem» (dans le cloître de labasilique d’Ainay). Voient ensuite le jour jusqu’à la Révolution «Les VraisAmis» à Saint-Rambert, «Le Parfait Silence» dans le quartier de Serin, «LaSincère Union» montée Saint Barthélémy, «La Parfaite Harmonie» et «LaBienveillance» montée du chemin neuf, «La Sincère Amitié» rue des Fantasques,«La Bienfaisance» rue Bugeaud, pour n’en citer que quelques-unes.

À la veille de laRévolution, trente-six loges réunissent plus d’un millier de frères dans lacapitale des Gaules (5000 aujourd’hui répartis dans une centaine de loges).Lyon abrite alors le plus grand nombre de loges de France après Paris.

Jean-BaptisteWillermoz (1730-1824) et Louis-Claude de Saint-Martin ( 1743-1803)

Jean-BaptisteWillermoz est un négociant soyeux et maitre fabricant d’étoffes de la rue des Quatre-Chapeaux. Initié à l’âge de 20 ans, vénérable maître à 23 ans, Willermozaccède rapidement à tous les hauts-grades existant à l’époque.

En1767, Il est reçu dans l’Ordre des Chevaliers Maçons Élus Coëns de l’Univers,par son fondateur, Martines de Pasqually. L’Ordre des Élus Coëns s’appuie surla doctrine de la réintégration des êtres, des rituels de théurgie (magiedivine) et un enseignement axé sur l’alchimie et le gnosticisme.

Unan plus tard, en 1768, Jean-Baptiste Willermoz est investi du plus haut gradedes Élus Coëns, nommé Réau+Croix.

ParMartines de Pasqually, leur ami et maître commun, Willermoz entretient desliens fraternels avec Louis-Claude de Saint-Martin, disciple et secrétaireparticulier de Martines de Pasqually. Il l’invite à passer deux années chez luià Lyon, de 1773 à 1774, durant lesquelles il l’initiera à tous les grades demaçonnerie dont il disposait. Au cours de son séjour lyonnais, Louis-Claude deSaint-Martin, dit «le philosophe inconnu» rédige son premier ouvrage «Deserreurs et de la vérité». La cité lyonnaise est le creuset d’une émulation etd’échanges intenses entre ces deux plus grands humanistes et cherchantsspirituels de leur temps. Ces échanges jouent un rôle clé dans la genèse dedeux nouveaux courants majeurs de l’ésotérisme et du mysticisme, tous deuxprofondément ancrés dans le martinézisme, doctrine de Martinès de Pasqually : lemartinisme et le rite écossais rectifié.

Louis-Claudede Saint-Martin a inspiré le martinisme, philosophie puisant aux racines del’ésotérisme chrétien et au mysticisme théosophique et alchimique de Jakob Boehme.En plein siècle des Lumières, le martinisme va à contre-courant des philosopheset encyclopédistes en affirmant un rejet de l’obscurantisme, non par la seulescience, mais par la voie méditative et initiatique intérieure, permettant derenouer avec la Sophia, l’aspect divin et féminin de la Sagesse qui donne àl’homme la pleine conscience de sa propre lumière et de sa nature divine.

Jean-BaptisteWillermoz, de son côté, fait une relecture complète des enseignements dePasqually , durant deux années d’études avec Louis-Claude de Saint-Martin,connues sous le terme des « Leçons de Lyon », de 1774 à 1776. S’appuyant sur ladoctrine de la réintégration des êtres et également sur le rite de la StricteObservance Templière conçu par le Baron de Hund, à qui il proposera unealliance en 1772, Willermoz consacre la cité lyonnaise avec la tenue du Conventdes Gaules, de novembre à décembre 1778.

Ceconvent général de la Stricte Observance Templière ratifie le « Codemaçonnique des Loges réunies et rectifiés » et le « Code desChevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte », signant ainsi l’acte denaissance du Rite Écossais Rectifié, entièrement pensé et codifié parJean-Baptiste Willermoz.

LeR∴E∴R∴se développe rapidement dans l’ancienne capitale des Gaules, fédérant plus d’unmillier de frères à la veille de la Révolution française.

L’annéede naissance du R∴E∴R∴marque aussi l’avènement en France des théories du médecin allemand Franz AntonMesmer qui postule l’existence d’un fluide subtil reliant tous les êtres entreeux et susceptible d’être canalisé. Pour transmettre ses techniques demagnétisme, Mesmer fonde une société magnétique « L’Harmonie universelle »sur le modèle des loges maçonniques. Procédant de la démarche inverse,plusieurs loges ouvrent des «loges parallèles» pour étudier et enseigner lestechniques du mesmérisme. Encore une fois, la ville de Lyon ne déroge pas à sonstatut occulte : dès 1784, le chirurgien Dutreich, frère de la loge LaBienfaisance, créé la Société Harmonique La Concorde, rue Joseph Serlin.

Lestravaux effectués à La Concorde vont bien au-delà des expériences magnétiquesdu docteur Mesmer puisqu’ils s’appuient aussi sur les découvertes de l’un deses disciples, Armand de Puységur, maçon de la loge «La Candeur». Puységurétait parvenu à plonger ses patients dans un état modifié de conscience, unétat hypnotique que l’on nomme alors «somnambulisme magnétique ».

Pendantles premières années de son existence, la Société Harmonique la Concorde met àprofit les dons d’une jeune fille, Jeanne Rochette, qui se montre capable, enétat de «sommeil magnétique»  detransmettre des messages de personnes décédées ou d’entités célestes àl’attention des vivants.

Cen’est qu’un demi-siècle plus tard que l’on redécouvrira ce phénomène dont ontété témoins dans la cité lyonnaise Jean-Baptiste et Pierre-Jacques Willermoz etauquel on donnera le nom de médiumnité. Le caveau de la famille Willermoz setrouve au cimetière de Loyasse, le plus ancien cimetière de Lyon.

GuiseppeBalsamo, Comte de Cagliostro (1743-1795)

Lyona été le berceau du rite écossais rectifié, mais aussi du Rite de la HauteMaçonnerie Égyptienne  par son illustrepromoteur, Cagliostro. Le comte de Cagliostro, créé le Rite de la HauteMaçonnerie Égyptienne au sein de sa loge la « Sagesse Triomphante » qu’ilinstalle en décembre 1784 dans le quartier des Brotteaux, à l’angle de l’actuelcours Franklin Roosevelt et de la rue Boileau (6ème arrondissement). Sous letitre de grand Cophte, il diffusera ce rite dans toute l’Europe, lui intégrantles Arcana Arcanorum en 1804. Par la patente de ce rite que leur a transmisCagliostro, les trois frères Marc, Michel et Joseph Bedarrides élaborent leRite de Misraïm dans la République de Venise pour le réintroduire en France en1814.

Cetteintense et profonde activité mystique, qui se manifestait d’abord et surtout dansles loges maçonniques et courants illuministes trouva un écho jusque dans lesplus hautes couches de la société lyonnaise. Elle continuera de se répandredans toutes les institutions culturelles au début du XIXe siècle en engendrantun courant dénommé « L’École Mystique de Lyon ».

Soutenuspar des scientifiques (André-Marie Ampère), des philosophes (Pierre-SimonBallanche), des écrivains (Victor de Laprade) et des artistes (Paul Chenavard),l’École Mystique de Lyon «se caractérisait par une recherched’unité entre les sciences expérimentales, les sciences de l’esprit humain etun catholicisme authentique.»

Ence début du XIXe siècle, l’École Mystique est l’extériorisation d’une véritablerévolution spirituelle.

Avecl’invention du métier Jacquard en 1804, le monde de la soierie lyonnaiseconnait un essor fulgurant dans une société en pleine mutation, tirailléedepuis un siècle par la rupture entre science, philosophie et religion. C’estsur ce terreau d’une ville imprégnée d’une longue histoire spirituelle que peutse développer un «occultisme humaniste », notamment avec des figures telles queAllan Kardec ou Maître Philippe. «Lessciences occultes, écrit Pierre-Yves Landron, bibliothécaire à Lyon,sont pratiquées par des hommes de science, même si ellesrestent suspectes aux yeux de la science officielle ; pour cette raisonjustement, elles rencontrent un écho positif dans une frange de la populationqui, dépassée par le positivisme radical de l’establishment, refuse cependantde se tourner vers une Église encore très dogmatique.»

HippolyteLéon Denizard Rivail dit Allan Kardec (1804-1869)

HippolyteLéon Denizard Rivail, né rue Sala, est d’abord un homme de science, attiré parla philosophie et la pédagogie avant de devenir le fondateur du spiritisme sousle nom d’Allan Kardec (nom qu’il pensait être le sien dans une vie antérieure où il étaitdruide).

Disciplede Pestalozzi, pionnier de la pédagogie moderne, il rédige de nombreux manuelsscolaires et ouvrages de pédagogie dont l’un lui vaudra un prix de l’AcadémieRoyale d’Arras. En 1855, un magnétiseur lui fait découvrir le mystère destables tournantes, phénomène nouveau venu des États-Unis. L’étude de cephénomène au cours de nombreuses séances dans des cercles parisiens seront labase de son ouvrage : «Le Livre des Esprits» qui jette les bases de laphilosophie spirite.

Denos jours encore, ce livre est l’un des plus lu au monde après la Bible. Pèredes mots «réincarnation» et «spiritisme» , Alan Kardec fonde un courant de pensée qui passera à la postérité,porté par de nombreuses personnalités de l’époque comme Victor Hugo, ArthurConan Doyle, Camille Flammarion.

«L’homme n’est pas seulement composé dematière, écrit-il, il y a en lui un principepensant relié au corps physique qu’il quitte, comme on quitte un vêtementusagé, lorsque son incarnation présente est achevée. Une fois désincarnés, lesmorts peuvent communiquer avec les vivants, soit directement, soit parl’intermédiaire de médiums de manière visible ou invisible.»

Ilest étonnant de constater que l’œuvre de Kardec s’est quelque peu effacée de lamémoire collective lyonnaise, alors qu’en 1862, le nombre d’adeptes étaitd’environ 30000 dans la capitale des Gaules et de plus d’un million en France àsa mort en 1869.

Lespiritisme n’est pas qu’une doctrine philosophique et une science d’observation; ce mouvement s’est fondu dans le mysticisme lyonnais pour lui donner unenouvelle dimension : un «ésotérisme social».

Celase ressent au sein des cercles spirites et aussi dans la «Revue Spirite»,publication fondée par Kardec et qui continue d’être diffusée de nos jours.Prônant la charité, la philanthropie, s’impliquant dans les œuvres sociales, lecourant spirite «prend parti pour le vote des femmes,l’abolition de l’esclavage, l’abolition de la peine de mort,l’internationalisme et le pacifisme.» Après s’être étendu enEurope, le spiritisme s’est installé durablement en Amérique Latine et plusparticulièrement au Brésil, où il est devenu une véritable religion et uneinstitution reconnue d’utilité publique. Ailleurs, si le spiritisme rassembleprès de 14 millions d’adeptes dans le monde , il se montre plus discret enFrance, mais toujours bien présent à Lyon, avec près d’une dizaine de centresspirites. En 1904, un siècle après la naissance de Kardec, deux femmes médiums,sur ordre d’esprits avec lesquels elles communiquent, fondent place de laCroix-Rousse une crèche spirite, unique en France, recevant et soignantgratuitement les enfants âgés de 15 jours à 3 ans, sans distinction de sexe, dereligion ou de nationalité. Les êtres désincarnés vont même jusqu’à transmettreaux médiums les noms et adresses des mécènes susceptibles de financer leprojet. En 1926, l’établissement est transféré rue Calas, au siège de lafédération spirite, et transformé en orphelinat. Le fédération spirite fonde également à la même époque unasile pour vieillards et nécessiteux. «Contrairementau catholicisme local, écrit le journaliste lyonnais ClaudeFerrero, le radical-socialisme bon teint dumaire Edouard Herriot, fait bon ménage avec ce spiritisme positiviste quis’affiche comme une science humaniste et revendique une conscience sociale.»

NizierAnthelme Philippe (1849-1905)

Laguerre franco-prussienne de 1870, suivie des actions incessantes de l’Étatcontre les associations dans le but de démanteler les groupuscules anarchistesdéciment littéralement les cercles spirites. Pendant cette période tourmentée,un thaumaturge d’une vingtaine d’années, Nizier Anthelme Philippe, soulage etsoigne blessés de guerre et malades dans le quartier de Perrache. En 1883, ilinstalle son cabinet de consultation aux Brotteaux, rue Tête d’Or, où ilrecevra quotidiennement une à deux centaines de patients pendant plus de 20ans. En 1895, à la demande de son ami et disciple Papus, Maître Philippeaccepte la direction d’une école de magnétisme à Lyon. Deux ans plus tard, ilcréé un laboratoire clandestin dans le Vieux-Lyon pour fabriquer illicitementavec son gendre, la nuit, toute une gamme de médicaments et lotions. Clin d’œilde l’histoire, son laboratoire est installé 6, rue du Bœuf (à l’emplacementactuel de la «Cour des Loges»), dans la même rue où quatre siècles auparavant,travaillait un  alchimiste nommé Jean, etqui aurait enseigné la magie au roi Louis XII.

Latombe de Maître Philippe, au cimetière lyonnais de Loyasse, est toujours, plusd’un siècle après sa mort, l’une des plus fleuries.

JeanBricaud (1881-1934)

ÀLyon, Jean Bricaud fréquente les milieux occultistes (Éliphas Lévi, Oswald Wirth,etc.) et la librairie Bouchet, établissement tenu par Gervais-Annet Bouchet,plus connu sous ses noms de plume Élie Alta et Élie Steel . Ce dernier estl’auteur de traités de sciences divinatoires, et de l’ouvrage « lesarchives secrètes de la Franc-maçonnerie », qui reproduisaient desdocuments (rituels, instructions, correspondances) des archives de Willermoz,complètements oubliés à cette époque. Si Bouchet n’a pas eu une notoriétéimmense, son œuvre est d’importance car elle a permis la résurgence à Lyon destraditions illuministes et des courants spiritualistes maçonniques qui avaientquasiment disparu du paysage scientiste de cette fin du XIXe siècle. Toujoursgrâce au libraire lyonnais, Jean Bricaud est mis en relation avec le docteurEmmanuel Lalande, ami de Papus, et gendre de Maître Philippe. Jean Bricauds’inscrit à l’École de magnétisme de Lyon, dirigé par Maître Philippe le 6décembre 1897 et deviendra l’un de ses disciples. Il s’initie ensuite à lakabbale et à la magie auprès du disciple d’Éliphas Lévi, Jacques Charrot. C’està partir du début du XXe siècle que Jean Bricaud va devenir à son tour unefigure majeure de l’ésotérisme en général et de la mystique Lugdunum enparticulier. D’abord consacré Évêque de l’Église gnostique valentinienne en1901, sous le nom de «Tau Johannes», il fonde six ans plus tard l’Églisegnostique universelle qui deviendra en 1911, selon le souhait de Papus,l’église officielle de son Ordre Martiniste. Jean Bricaud est aussi un Franc-maçoninitié au Rite de Memphis-Misraïm. Il cumulera les fonctions de Grand Maître del’Ordre de Memphis-Misraïm, légat de l’Ordre Martiniste à Lyon, Patriarche del’Église gnostique universelle et président de la société occultisteinternationale.

ConstantChevillon (1880-1944)

Nousne pouvons quitter Jean Bricaud sans évoquer son illustre successeur et amiintime : Constant Chevillon. Diplômé de la Faculté des lettres de Lyon, cetenseignant en philosophie religieuse fera finalement carrière dans le milieubancaire après la première guerre mondiale. Bien que ses fonctions l’amènent àbeaucoup de déplacements, « c’est au n°22, rue des Macchabées, écrit Jean-Jacques Gabut, qu’estson port d’attache, auprès de l’excellente Mme Bricaud qui comprend cet hommesolitaire poursuivant son ascèse initiatique en menant une vie quasi-monacale. »

Suivantles dernières volontés de Jean Bricaud, décédé en 1934, Constant Chevillon estinstallé dans une partie de la propriété de sa veuve.

Illui succède comme Patriarche de l’Église gnostique et Grand Maître du R∴A∴P∴M∴M∴.Comme son ami, Constant Chevillon accédera aux plus hautes fonctions dans ungrand nombre de filiations ésotériques : Grand Maître de l’Ordre des ChevaliersÉlus Maçons Cohen de l’Univers (le martinisme lyonnais issu de la filiationMartinez de Pasqually), Grand Maître de l’Ordre Martiniste, Recteur de laRose+Croix Kabbalistique et Gnostique.

« Une choseimportante est à noter, écrit l’un de sesélèves, René Chambellant, à l’instar des grands Maçonstels Cagliostro, Martinez de Pasqually, J.-B. Willermoz, Constant Chevillonconsidérait que la femme, partie intégrante de l’humanité, devait avoir accès àl’initiation.»

AuGrand Convent de Memphis -Misraïm qui se tiendra à Lyon en 1938, il feraadopter l’initiation des femmes.

En1939, il fonde la F.U.D.O.S.F.I. (Fédération Universelle Des Ordres, Sociétéset Fraternités des Initiés).

Hélas,avec la venue de la guerre, « ConstantChevillon était de ces hommes que les forces du Mal devaient abattre »(Jean-JacquesGabut, Lyon magique & sacré). Le 19 août 1940,avec la loi d’interdiction et de dissolution des sociétés secrètes, le régimede Vichy commence sa répression et sa persécution des Francs-maçons. Pour lemaréchal Pétain « Un juif n’est jamais responsablede ses origines, un Franc-maçon l’est toujours de son choix. »

Interditsde mandats politiques, évincés des postes de l’administration publique, les Francs-maçonssubissent une «véritable chasse aux sorcières» et les journauxcollaborationnistes et le journal officiel diffusent des listes de noms demembres d’obédiences maçonniques. En 1941, est créé le Service des sociétéssecrètes, qui conduira au fichage de 60 000 Francs-maçons, 6000 Francs-maçonsinquiétés, de plusieurs milliers de Francs-maçons déportés et de plus d’undemi-millier morts en déportation ou fusillés.

ConstantChevillon fera partie des victimes de cette traque inique. En septembre 1941,une première perquisition est effectuée dans son logement lyonnais, au domicilede Mme Bricaud par la Milice Nationale Française. En 1943, il est de nouveauinquiété par la Police Française qui lui confisque un manuscrit et desdocuments. Le dernier acte de cette tragique histoirea lieu le 25 mars 1944 au 22 de la rue des Macchabées, où des membres duMouvement National Anti-Terroriste, officine lyonnaise de la Gestapo,accompagné d’un sous-officier allemand, viennent arrêter Constant Chevillon.Écoutons le témoignage d’Eugénie Bricaud

«Il m’a bien regardé, tout pâle, tout triste. On le fit monter en voiture. Lesdeux voitures partirent tous feux éteints dans la direction de la Descente deChoulans. » On retrouve son corps plus tard dans la soirée, vers 22h45, cribléde balles, jeté dans un fossé dans la Montée des Clochettes à Saint-Fons.

ConstantChevillon repose aux côtés de son ami Jean Bricaud, décédé 10 ans plus tôt, aucimetière de Francheville-le-Haut.

Antoinede Saint-Exupéry (1900-1944)

L’année1944 marque aussi la disparition d’un autre lyonnais illustre : Antoine deSaint-Exupéry. Saint-Ex voit le jour 44 ans plus tôt au n°8 de la rue qui porte désormaisson nom, non loin de la Place Bellecour. 

Parmises œuvres littéraires, le petit prince, publié en 1943, est sans contexte l’undes plus grands contes initiatiques contemporains. Traduit en plus de 300langues, il est le livre le plus traduit au monde après la Bible. Dansl’ésotérisme du Petit Prince, Emmanuel-Yves Morin écrit : «Fable autour de thèmes, messages et symboles permanents,Le Petit Prince peut être ainsi la Vérité première transmise sous forme de motspar un être « inspiré », (…) il est un fil d’Ariane pour chacun denous, dans le Labyrinthe de l’existence. […] Nous ne saurions alors nousétonner de ce que certains trouvent les réponses à leurs angoisses ou à leurshésitations dans ce Petit Prince, comme d’autres les trouvent dans Le Prophète,de Khalil Gibran, Jonathan Livingstone le Goéland, de Richard Bach, Siddhartha,de Hermann Hesse, sans parler de la Bible, de la Bhagavad Gita, et d’autrestextes « sacrés », ouvrages véhiculant tous la Tradition. »

Enparcourant cette fresque mystérieuse de l’histoire occulte de Lyon, il fautbien se saisir de ce secret que le renard a chuchoté à l’oreille du PetitPrince : « On ne voit bien qu’avec le cœur.L’essentiel est invisible pour les yeux. » Alors, évoquerbien d’autres maîtres spirituels lyonnais, ésotéristes, occultistes,philosophes, hermétistes, alchimistes, mages, thaumaturges, Francs-maçons,rose-croix, martinistes, templiers, gnostiques, et tant d’autres aurait étéinutile ; car c’est dans les entrailles même de la cité lyonnaise qu’il fautchercher la source sacrée, le cœur spirituel, des galeries souterraines en arêtesde poisson sous la Croix-Rousse aux catacombes de Fourvière. L’antiqueLugdunum, ville de Cybèle, est un athanor, un creuset alchimique.

Dufait de sa situation géographique, Lugdunum est située sur une ligneénergétique majeure (appelée ley line ou veinedu Dragon), qui relie le Mont Saint-Odile au Mont Bugarach. Cela n’est pas dûau hasard, pas plus que les rites sacrés sous les auspices desquels la citéromaine a été fondée, sur la colline aux corbeaux. Lecorbeau est à l’origine un animal solaire, compagnon de Wotan, attribut deMithra, ou d’Odin, consacré à Apollon, et messager divin et/ou psychopompe surtous les continents. Si cet animal, tantôt héros solaire,tantôt démiurge, messager ou guide a choisi la colline rhodanienne pours’installer, c’est pour mieux marquer les esprits, la nature sacrée, céleste dece haut lieu, qui reste encore de nos jours, comme le proclamait Jean-BaptisteWillermoz en 1785. J’ai dit.

Le Frère RB-T

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