Confucius / Kongfuzi / Kongzi / Maître Kong
- GLTI - JS
- 17 sept.
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MORCEAU D’ARCHITECTURE DE LA RL NETJER

La tradition chinoise repose sur trois piliers, qu’elle nomme ses trois trésors : le Bouddhisme, le Taoïsme et… le Confucianisme. N’ayant sur Confucius que des idées imprécises, j’ai essayé de me pencher sur ce personnage difficile à cerner car aussi célèbre que méconnu.
Son nom chinois est Kongzi ou Kongfuzi, Zi et Fuzi désignent en chinois Maître, Kongzi ou Kongfuzi signifient donc : Maître Kong.
Confucius est le nom latinisé que lui ont donné les pères Jésuites, missionnaires en Chine entre le XVIe et le XVIIIe siècles, C’est donc sous ce nom qu’il apparaît dans un célèbre livre écrit en latin , langue universelle à l’époque en Europe, et publié par ces mêmes jésuites en 1687 à Paris, CONFUCIUS SINARUM PHILOSOPHUS, dont le titre traduit en français est : « Confucius philosophe des chinois. »
Confucius, Maître Kong , n’est pas un personnage mythique , il a réellement existé.
Sa biographie a été écrite par le célèbre historiographe Sima Qian qui vécut au IIe siècle Av JC, sous la dynastie des HAN dont l’empereur Wudi donna toute l’importance au Confucianisme en plaçant l’Empire sous le patronage de Confucius. Ceci se passait quatre siècles après la mort de celui-ci.
Cette biographie bien qu’un peu incertaine, nous dit qu il est né le 28 septembre 551 avant JC, donc à l’époque des Printemps et Automnes, à l’Est de la Chine, dans une famille d’aristocrates.
La légende, car en Chine une part de légende est toujours présente pour entourer la naissance d’un homme important, nous dit :
Des événements extraordinaires eurent lieu : Un qilin, sorte de licorne, avait prédit la naissance d’un enfant qui soutiendrait, sauverait, la dynastie en place.
La nuit de sa naissance, deux dragons se seraient posés sur le toit de sa maison, 5 vieillards, symboles des 5 planètes, seraient arrivés dans sa cour et des chants célestes auraient résonné.
Mais la mort prématurée du père entraîna Confucius, alors âgé de trois ans et sa mère dans une condition modeste. Cependant, Confucius parvint à faire de solides études.
Devenu, adulte, il occupa des postes de fonctionnaire et devint vers l’âge de 40 ans préfet puis peut-être … même, ministre de la Justice.
Hélas, en grand désaccord avec le prince au pouvoir, il renonça à sa carrière et décida de partir sur les routes, vers d’autres principautés, à la recherche de princes, à qui il pourrait prodiguer ses conseils de politique et de morale. Il était alors âgé de plus de 50ans .
Pendant 14 ans, il poursuivit cette errance, accompagné de plusieurs disciples. Mais, il n’eut aucun succès, aucune oreille princière à son écoute.
Il revint dans son pays natal où il décida de créer une école privée pour transmettre ses enseignements aussi bien aux riches qu’aux pauvres. Il déclarait, je cite :
« Jamais je ne refuse mon enseignement à qui vient à moi de lui-même, dût-il ne m’apporter qu’un peu de viande séchée. » Ce qui importe ce sont les capacités et la volonté.
Cette école fut un cas totalement exceptionnel car à cette époque, seuls les nobles pouvaient accéder au savoir.
Il meurt en - 479 avant JC.
La légende nous dit que juste avant sa mort, la licorne fut capturée lors d’une chasse à l’ouest.
Sa mort marqua le début du , ou plus exactement , des Confucianismes , avec dans les Académies des discussions sur les textes et la multiplication des courants de pensée .
La transmission se fit par lignées de ses nombreux disciples et arrières-disciples, au cours des siècles suivants et ceci, jusqu’à nos jours, pendant 2500 ans.
Les disciples les plus connus sont Mencius, MENG Zi en chinois, c’est-à-dire Maître Meng, considéré comme son héritier spirituel et Xun Zi, Maître Xun, qui vécurent respectivement au IVe et IIIe siècles avant notre ère.
Son petit-fils, Tseu Zi, a également, à sa suite, joué le rôle de Maître et poursuivi son école confucéenne.
Il vécut donc entre les VI e et Ve siècle avant JC : si bien qu’il a eu , dans le monde, pour contemporains célèbres :
en Asie :
Lao Tseu, nettement plus âgé que lui, qu’il aurait peut-être rencontré, et celui-ci l’aurait beaucoup impressionné mais Lao Tseu a- t-il existé ?
Siddharta Gautama le fondateur du Bouddhisme, mais le bouddhisme n’apparaîtra en Chine qu’au Ier siècle de notre ère.
En Europe :
Les présocratiques :
Pythagore, Parménide et Héraclite aux VI e et Ve siècles avant JC.
Quand Confucius meurt, Socrate (-470/-399 ) et Platon (-428/-348). ne sont pas encore nés.
au Moyen Orient :
Nabuchodonosor : L’Exil à Babylone des Hébreux, la reconstruction du Temple de Jérusalem.
Les pensées de Confucius.
Ses pensées sont rassemblées dans un livre nommé « les Entretiens », livre qu’il n’a pas écrit lui-même mais dont les paroles sont rapportées par ses disciples.
Ceci n’est pas sans nous rappeler les paroles de Socrate rapportées par Platon, celles de Jésus rapportées par les apôtres et les évangélistes.
Ce livre se présentait physiquement sous la forme de petites lattes de bambou, plus exactement de baguettes attachées entre elles par des cordons, formant ainsi un rouleau. Ces baguettes pouvaient être utilisées seules ou non, être déplacées, voire même être insérées dans plusieurs textes. Elles ont ainsi circulé dans le plus grand désordre. C’est seulement au IIe siècle de notre ère que leur fixation fut définitive, soit environ 7 siècles après la mort de Confucius.
Ce livre contient 20 chapitres.
Ce sont comme son nom l’indique des conversations, rédigées sous des formes littéraires variées et brèves : quelques lignes tout au plus :
- des bribes de dialogues : questions des disciples, réponses du Maître
• des aphorismes
• des proverbes
• des anecdotes
• des paraboles
• des maximes
• des préceptes
mais aussi des remarques mordantes voire malicieuses.
En bref, ce sont des conseils, dans un langage à la mesure de l’homme, faciles à lire mais particulièrement difficiles à suivre car exigeant de nombreux efforts. Leurs rédactions s’étalent sur plusieurs siècles, si bien qu’il n’est pas sûr que toutes ces paroles lui soient attribuables.
En effet toutes ces lignées donneront différents schémas de pensées.
Certains de ces textes sont même contradictoires.
Par exemple Mencius pense que les hommes naissent bons, Xun zi qu’ils naissent mauvais.
Alors comment un même lien avec Confucius est-il possible ?
Eh bien, Mencius pense que l’homme naît bon et qu’il doit passer sa vie à se perfectionner. Xun zi pense que l’homme naît mauvais et que c’est seulement par l’éducation qu’il peut essayer de devenir bon, de progresser.
Ces enseignements portent d’une part, sur 3 sujets concernant l’humain :
l’apprendre, la qualité humaine et l’esprit rituel.
Et, d’autre part, sur l’art de gouverner : rendre un pays prospère et éviter la décadence.
Le premier chapitre a pour titre : L’étude.
Le premier mot de ce chapitre est Apprendre, (XUE). Il n’a pas été écrit là par hasard, mais choisi.
Toute l’œuvre est placée sous ce thème. Je cite :
Les Entretiens, livre 1, dialogue 1.
« Le Maître dit : Étudier une règle de vie pour l’appliquer au bon moment, n’est-ce pas source de grand plaisir ? La partager avec un ami qui vient de loin, n’est-ce pas la plus grande joie ? Être méconnu des hommes sans en prendre ombrage, n’est-ce pas le fait de l’homme de bien ? »
Je reprends ces Trois ombrages.
La première : « Étudier une règle de vie pour l’appliquer au bon moment, n’est-ce pas une source de grand plaisir ? »
Il sous-entend : nécessité d’apprendre la mise en pratique, l’expérience de vie plus que les connaissances.
La deuxième : « La partager avec un ami (qui vient de loin ), n’est-ce pas la plus grande joie ? »
Partager avec les autres c’est toute la richesse qu’apporte la discussion, les arguments, la confrontation, la transmission et la création du lien social.
La troisième : « Être méconnu des hommes sans en prendre ombrage, n’est-ce pas le fait de l’homme de bien ? »
Apprendre mais ni pour la gloire ni pour la célébrité, mais rester dans la modestie.
Il dira encore plus loin, Livre 15, je cite : « L’homme de bien craint beaucoup plus de manquer de capacités que de les voir ignorées. »
Apprendre pour Confucius c’est le chemin, l’œuvre de toute une vie, pas à pas, degré par degré, dont il donne, lui qui vécut jusqu’à un peu plus de 70 ans, les étapes.
Je cite : livre XI, 4.
(« Le Maître dit :)
À quinze ans, je résolus d’apprendre.
A trente ans, je m’affermis dans la Voie.
A quarante ans, je n’éprouvais plus aucun doute.
A cinquante ans, je connaissais les décrets du Ciel.
A soixante ans, j’avais un discernement parfait.
A soixante-dix, j’agissais en toute liberté, sans pour autant transgresser aucune règle. »
Il est convaincu que l’Homme, bon ou mauvais, est perfectible, le but de sa vie doit être de s’améliorer sans cesse et en tout : pour lui-même et pour la société, car dit-il, je cite : « on ne devient jamais trop humain. »
Cet apprentissage concerne la personne entière pas seulement sa part intellectuelle.
Ses questionnements permanents portent donc sur les moyens et la manière, de transformer l’homme en ce que nous appelons en Europe, un honnête homme, un Gentilhomme, mu par le devoir du Cœur, car c’est le Cœur qui pense.
C’est ce que les chinois nomment le Ren et nous en français la Bienveillance.
La bienveillance, (le Ren) est la vertu la plus importante dans l’éthique confucéenne.
L’écriture, la calligraphie de ce mot Ren se compose de deux caractères :
le caractère homme, qui se tient debout dans sa verticalité et le nombre 2, deux traits horizontaux, symbolisant d’une part la terre et le ciel entre lesquels l’homme se trouve
et d’autre part et principalement, que pour être humain, il faut être en présence d’un autre, il faut être 2. La bienveillance, c’est le bien qu’une personne peut faire à une autre, c’est aimer l’Autre, avec un grand A.
Je cite : « Fais aux autres ce que tu voudrais qu’on te fasse. »
Ce qui n’est pas sans nous rappeler le philosophe stoïcien Epictete (IIe siècle après JC/ stoïcien). Je cite : « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. »
On ne naît pas avec l’esprit de bienveillance, il ne s’acquiert que par la culture et l’éducation. Je cite : « L’homme de bien ne se départ pas de la bienveillance, même le temps d’un repas. »
C’est aussi l’Empathie ( Shu ) composé également de 2 caractères :
le caractère Gong qui signifie le travail ( comme dans Qi gong ) et le caractère Qing l’émotion. L’Empathie est donc le travail sur les émotions.
Une grande importance est donnée à la relation aux autres. Cette qualité aussi se travaille. On ne juge pas les autres, on ne s’arroge pas ce droit, on juge les actes dans le but de s’améliorer soi-même.
Je cite « Si tu rencontres un homme de valeur, cherche à lui ressembler, si tu rencontres un homme médiocre, cherche ses défauts en toi-même. »
Ces qualités, sont présentes en chacun de nous , il faut aller les y chercher .
Confucius dit : « Devenir un homme de bien doit être un objectif permanent car personne, même pas moi-même, n’est digne de cette qualification. »
En pédagogue, il n’en donne pas une seule définition, mais plusieurs, en fonction de l’ interlocuteur, adaptant ses réponses, aux capacités de chacun.
On ne progresse en humanité que dans la relation aux autres, ce qui demande la recherche de l’Harmonie, autre composante de l’éthique. Il dit, je cite : « Dans la pratique des rites, c’est l’Harmonie qui prime. Toutefois il ne faut pas cultiver l’harmonie pour l’harmonie, sans se régler sur le Rituel. »
L’homme doit aussi chercher à se corriger lui-même. Je cite : « ce qui est mauvais, c’est de ne pas s’apercevoir de ses fautes et de ne pas s’en corriger. »
et encore « l’exigence pour soi-même et la mansuétude pour les autres. ».
A la bienveillance et à l’empathie doivent venir s’ajouter la Loyauté et la Fidélité.
Dans la pensée de Confucius, la Bienveillance est l’aspect moral, quant à l’aspect physique il le nomme les Rites ou Rituels, en chinois Li, pour les cérémonies, la religion et surtout pour la vie quotidienne.
Tous ces efforts sont faits sans attendre la moindre récompense pour soi-même, même après la mort. La seule récompense est le surcroît d’humanité que chacun apporte à la société.
Ainsi, l’homme doit apprendre comment se comporter sur trois plans :
• 1) le plan physique : les vêtements que l’on porte, leur matière, leur forme, leur couleur, la manière de s’habiller, de parler, les attitudes corporelles,
• 2) le plan moral : la bienveillance, la quête de la vertu, le rôle du cœur et de la piété filiale.
• Je fais une parenthèse sur cette notion de piété filiale : La famille est la structure, le modèle de base, le fils obéit au père, le père prend soin du fils et tous les hommes sont frères : cette notion de fraternité permet une ouverture immédiate à autrui, le lien entre toutes les générations, le culte des ancêtres.
3) le plan de la relation à l’autre :
la manière de s’adresser : les gestes du corps pour mettre les autres à la bonne distance, pour être ni trop loin, ni trop près, ce qui, par exemple, pourrait marquer trop d’agressivité ou trop d’amour,
comment physiquement exprimer sa colère sans mettre en danger le groupe.
Ceci n’a pas pour but de séparer mais au contraire de créer le lien social.
Rien ne doit être improvisé, c’est un conformisme intégral, difficilement envisageable pour nous Occidentaux… !!!
Son enseignement porte sur six disciplines :
les Rites : de visite, de réception, de célébrations familiales, sacrificiels, funéraires, pour inscrire l’homme dans le sacré.
La Musique, l’Ecriture, l’Arithmétique, la Conduite de char, le Tir à l’Arc ont une vertu éducative.
Confucius s’opposa vigoureusement aux Légistes, un autre courant de pensées, basé sur les Lois . Pour lui, les lois n’ont qu’une vertu coercitive.
La priorité est donnée à la Morale .
Ce qui est applicable à l’être humain peut l’être ensuite à la politique, c’est à dire au bon gouvernement d’un pays, par le Prince, ou l’Empereur, c’est à dire celui qui a le mandat du ciel.
Je fais une 2e parenthèse sur la notion de Ciel. Le Ciel n’est pas un dieu. Le ciel est ce qui représente l’ordre du monde, le système des lois naturelles, l’énergie, la force motrice qui fait tourner les saisons.
Mais le Ciel ne peut s’occuper de tout. Il charge donc une famille de gouverner, lui donne un mandat, le mandat d’Empereur, appelé le mandat du Ciel. Quand cette famille, cette dynastie, n’en est plus capable, le mandat lui est retiré et est donné à une autre famille. On change tout simplement de dynastie. Une nouvelle ère commence.
C’est pourquoi l’empereur obéit au ciel, comme à un père. Il est le fils du ciel. Il n’est ni une divinité ni un vassal.
Le modèle de la société est le même que celui de la famille avec :
respect du père, culte des ancêtres, tous les hommes sont frères.
Il était passionné par la manière et les moyens que devrait utiliser un Prince pour bien gouverner . Il rêvait de devenir Conseiller, d’où ses errances pendant 14 ans. Il a souvent été appelé le roi sans couronne.
Il était connu par ses contemporains comme « celui qui s’obstine à vouloir sauver le monde, tout en sachant que c’est peine perdue . »
Pourquoi ce sujet le passionnait-il autant ?
Probablement parce qu’il vivait dans une période particulièrement troublée, appelée « Printemps et Automnes », à la fin d’une grande et longue dynastie (les Zhou ), sur le déclin, dans un pays devenu trop vaste dont les 14 principautés rivalisaient entre elles pour s’emparer du pouvoir.
C’était, de plus, une période de très grands changements car le travail du fer apparaît en Chine, permettant : d’une part la fabrication de charrues ce qui entraîne un très net développement agricole et une grande augmentation de la population, d’autre part la fabrication d’épées en fer plus solides et donc plus efficaces.
L’addition des deux apporte un changement dans l’Art de la guerre.
On ne peut plus vivre féodalement, sur des bases exclusivement aristocratiques,
au risque de la décadence.
La situation change, l’état doit changer, doit s’adapter. Il faut former des gens dévoués à son service qui, je cite : « ont le désir de bien gouverner pour aider l’état et de bien se conduire pour soi-même. »
Ainsi va se créer une nouvelle classe sociale, issue d’une catégorie intermédiaire entre la noblesse guerrière et le peuple de paysans et artisans : ce sont les Lettrés qui perdureront, jusqu’en 1911 à la chute du dernier Empire.
Le recrutement se fait dans un premier temps,par l’intermédiaire d’académies privées, puis dans les écoles d’état sous la dynastie des Han, du IIe siècle avant, au IIe siècle après JC, l’Empereur Wudi ayant déclaré le Confucianisme doctrine d’état.
Ce qui aboutira, à partir du VIe siècle ( dynastie SUI 581-618 ), à la création des célèbres Examens Impériaux ( KE JU ). Ils sont ouverts à tous, enfin presque … car les femmes ne sont pas admises sauf très brièvement au milieu du XIXe siècle, les pauvres ne sont pas vraiment représentés… et bien sûr sous réserve de n’être pas un criminel. Sous la dynastie Song (960/1279) entre le Xe et le XIIIe siècle, on invente même la notation anonyme.
Revenons à Confucius, à Maître Kong. Ses enseignements ne sont pas une religion. Confucius disait, je cite : « Il faut respecter les dieux et les croyances mais s’en tenir éloigné. » Ce n’est pas une philosophie non plus, cette notion n’existe pas en chinois.
Ce sont des transmissions de valeurs, apprendre à faire de soi-même un être humain.
C’est un Pari sur l’homme.
Pour Confucius il faut donc se mettre en quête : de sagesse, d’humilité, d’autodérision
d’harmonie individuelle et sociale, du juste milieu et de l’équilibre, de pragmatisme, du rejet des idées absolues.
Pour s’améliorer, il faut valoriser : l’étude, le savoir, l’esprit critique, le respect de l’autorité MAIS le rejet du despotisme, le devoir d’exemplarité des élites, la responsabilité individuelle.
Cette quête ne s’arrête jamais. Il dit, je cite : « De l’étude des textes anciens je ne crois pas être plus médiocre qu’un autre, mais quant à se comporter en véritable homme de bien je ne crois pas y être encore parvenu. »
L’Homme de bien est aussi celui qui pourra gouverner. Cet art est l’objet du dernier dialogue, du dernier livre des Entretiens
Ce sujet clôt le livre, chapitre XX. Je me limiterai à la simple citation du texte.
Je cite : « Un disciple demande ce qu’il faut faire pour bien gouverner.
Le Maître répond : « Il suffit d’honorer les 5 Qualités et bannir les 4 Défauts.
« Qu’appelez- vous les 5 qualités ? »
« L’homme de bien est capable d’être généreux sans gaspillage, de faire travailler le peuple sans susciter de rancune, d’avoir des aspirations sans convoitise, d’être grand seigneur sans prendre de grands airs. »
Question : « Comment peut-il être généreux sans gaspillage ? »
Le Maître : « S’il favorise ce qui profite naturellement au peuple. Si lui-même aspire et parvient à la bienveillance. S’il ne lui assigne que des tâches dont il est capable, aura-t-il des plaintes ? L’homme de bien ne se permet aucune négligence, qu’il ait affaire à une foule ou à un petit groupe, à des choses mineures ou importantes. L’homme de bien, par la rigueur de sa coiffe et de ses vêtements, par la dignité de son regard, impressionne ceux qui le voient de loin, il est imposant sans être intimidant ?
Question : ´- « Qu’entendez-vous par les 4 défauts ? »
Le Maître : « Punir de mort au lieu d’instruire, c’est de la tyrannie ; attendre qu’un travail soit fait sans donner de préavis, c’est de l’oppression ; être lent à émettre des ordres et prompt à exiger leur exécution, c’est de l’arbitraire ; donner à quelqu’un son dû, tout en le faisant avec parcimonie, c’est de la mesquinerie. »
Ces paroles des Entretiens sont aussi accompagnées d’un humour parfois même grinçant. Je vous en cite quelques-unes :
« Un disciple demande : Maître que pensez-vous de moi ?
Le Maître dit : Pour moi tu es un Vase.
Le disciple : Un vase ?
Le Maître dit : Un vase de cérémonies orné de pierreries. »
« Un disciple dit : Ce que je n’aimerais pas que les autres me fassent pour rien au monde je ne voudrais le faire aux autres .
Le Maître dit : Eh bien mon ami, tu n’y es pas encore. »
Un autre dit « Le prince Wenzi réfléchissait 3 fois avant d’agir.
Le Maître fait remarquer : « 2 fois c’est assez. »
Le Maitre dit : lorsqu’on se cogne la tête contre un pot et que cela sonne le creux, ce n’est pas forcément le pot qui est vide. »
Ces valeurs ne se trouvent pas que chez Confucius, qui n’est pas le seul trésor de Chine ! Il y en a deux autres et pas des moindres : le Taoïsme et le Bouddhisme à partir du Ier siècle de notre ère. Tous trois ont toujours été présents et se sont livrés des luttes sans merci, et pourtant ils se sont mutuellement empruntés de nombreuses idées. Ils sont inextricables.
En Europe
Les missionnaires jésuites, ont rapporté les idées de Confucius, entre le XVI e et le XVIII siècle. Une partie des philosophes des Lumières se sont pris de passion pour la Chine et sont devenus sinophiles ou du moins presque, ce fut une sorte de sinomania .
Par exemple, Quesnay fut surnommé le Confucius européen.
Le plus célèbre d’entre eux fut … Voltaire !
Voltaire, Une vraie passion pour la Chine encore plus que sa précédente pour l’Angleterre. Il avait un portrait de Confucius au-dessus de sa table de travail et dans chacune de ses maisons une pièce lui était dédiée. Cet attrait apparaît dans au moins sept de ses œuvres. Nous savons tous que Voltaire devint Franc-maçon à la fin de sa vie.
D’autres philosophes ont aussi été influencés. Mais ils se montrent plus nuancés.
Ce sont : Montesquieu : la Chine est le thème majeur dans plusieurs chapitres de L’Esprit des Lois. Il était Franc-maçon, avait été initié à Londres en 1730 , et à Paris 1735.
Diderot dont les avis sont contradictoires dans l’Encyclopédie. Par contre, certains sont totalement hostiles comme Rousseau, Condorcet.
À l’époque des Lumières, Le Confucianisme attire car il correspond aux aspirations spirituelles du temps, d’un dogme non concerné par une religion, plus particulièrement le christianisme mais lié à vie réelle, abordable par tous, qui combine la politique et la morale. Les philosophes s’appuient sur ces idées pour combattre le despotisme et le principe du droit divin. Ils font un parallèle entre la Bienveillance, l’Amour pour l’Humanité de Confucius et l’Empathie de la Fraternité des Lumières. Mais, il faut bien dire que, en fait ces idées leur servent surtout à construire et justifier leurs propres théories, faisant souvent fi d’objectivité que cette influence a malgré tout contribué à l’éveil à la culture orientale, d’une part au XVIIIe siècle, puis d’autre part à la toute fin du XIXe avec Victor Hugo et surtout avec l’engouement pour l’Extrême Orient, encore nommé l’Orientalisme.
La postérité de Confucius en Chine
En Chine le Confucianisme s’est perpétué sans interruption jusqu’à la fin de l’Empire en 1911 avec certes des fluctuations, des renouvellements, des retours aux sources. Le plus important fut le néo-confucianisme au XIIe siècle, empreint de conformisme. Après 1911 le système d’examens est supprimé, la République se détourne du Confucianisme qui disparaît avec entre autres le mouvement iconoclaste du 4 mai 1919. La révolution culturelle dans les années 1970 ( 1973/1974 ) chasse et détruit tout l’héritage, les textes sont brûlés, la statue de Confucius est renversée. À partir de la fin des années 80 un nouveau changement apparaît.
Je vous lis quelques lignes d’un article paru en 1988 dans une revue française (GEO) : « Récemment, dans le pays de Confucius, on a tenu plusieurs colloques en son honneur, ce qui a entraîné certaines remises en cause dans la presse. »
Dans les années 90 / 2000, Confucius est remis sur son piédestal, « les Entretiens. » redeviennent des textes canoniques, dans un autre Confucianisme, une nouvelle lecture. Les destructeurs des années 70 sont devenus les reconstructeurs les plus zélés.
Mais Confucius ne disait-il pas lui-même : « Le bon Maître est celui qui tout en répétant l’Ancien est capable d’y trouver du nouveau. »
Dans le monde la Chine met en place les Instituts Confucius pour diffuser la langue et la culture. On en compte 18 en France. Actuellement, il n’échappe pas aux mouvements de déconstruction en Occident dans certains milieux universitaires.
Je ne m’étendrai pas sur cette problématique.
Au Japon, en Corée du Sud et à Singapour : Confucius a toujours fait partie des bases de la société et est encore revendiqué comme tel. Quant à la postérité de la famille de Confucius : elle s’étale sur 80 générations, dont les descendants se réunissent chaque année, en septembre à Qufu où se trouve sa tombe.
Vous avez pu noter tout au long de cette planche des points communs avec la FM.
Mais les points de divergences sont nombreux.
Ces Idées relèvent toutes des domaines du matériel ou du moral mais restent toujours éloignées de toute spiritualité. C’est une fraternité mais sans le passage par une initiation, sans serment, sans choix personnel, sans la réalité de la reconnaissance par les frères et sœurs. Il n’y a aucune place pour les pas de côté .
En conclusion
Le Confucianisme a traversé plus de 25 siècles car sa simplicité est sa force : une culture morale de soi, qu’on applique à la famille, à la société, selon les rites. Cependant Confucius était un être de paradoxes. Il apparaît comme une figure sévère mais en fait il était plein d’humour et d’ironie. Il était un humaniste qui rêvait d’une société harmonieuse, sans chaos, sans confrontation , sans pourtant avoir jamais remis en cause le régime politique dans lequel il vécut. Chercher à réparer sans tout abattre. Il était un idéaliste qui pourtant ne laissait aucune place à l’imaginaire. Il était un Maître entouré de disciples mais n’a jamais voulu être considéré comme un Maître à penser. Il se considérait seulement comme un Sage ouvrant à la réflexion.
Je cite : « Je lève un coin du voile, si vous ne pouvez découvrir les trois autres, tant pis pour vous. » Et je terminerai avec ces paroles de Anne Cheng : « Confucius représente un véritable phénomène culturel qui se confond avec le destin de toute la civilisation chinoise. »
J’ai dit.




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